Mindelo (Sao Vicente - Cap-Vert) – Prickly bay (Grenade-Antilles)
Distance parcourue : 2486 milles nautiques (4614 km)
Durée de la transat : 19 jours
Vitesse moyenne : 5,5 nœuds
Lundi 23 janvier
Au bout d’une semaine de transat, le truc qui tue dans le Ruzé, c’est le bruit ! Il faut dire qu’on a à la fois les grincements du bois (intérieur) et la caisse de résonance que produit chaque choc (vague, écoute de génois, chariot de génois, etc.) sur la coque alu (non isolée). Du coup, dès qu’il y a un peu de houle (surtout quand le vent mollit), c’est l’enfer à bord… surtout pour le skipper qui dort dans le carré. Surtout ce jour-là avec la houle par le travers, pas si facile de trouver le sommeil…
Il faut également s’occuper du jardin. Nos petites graines germées commencent à pousser, ajoutant une note de fraîcheur bienvenue dans nos salades, car les tomates viennent petit à petit à manquer.
Première météo par le téléphone satellite, qui annonce des orages sur notre route (vers le sud) et pas de vent (vers le nord). On choisit la sécurité, donc le vent faible, donc le bruit… qui a dit que la voile c’était reposant ?
Mardi 24 janvier
Pas de vent mais superbe
nuit étoilée, la première depuis le début de la traversée, ça tombe bien, Erwan s’est lancé dans l’apprentissage de la nav astro. Ici, on voit des constellations invisibles dans l’hémisphère nord (même si on est toujours au-dessus de l’équateur), comme Le Scorpion, La Croix-du-Sud ou Le Centaure. Certains nous sont évidemment familières comme Orion, les Pleïades, Le Grand Chien ou La Grande Ourse…
Cette nuit, on a croisé un pétrolier et notre premier voilier depuis Discoverer, Aquarius, un navire français. On empanne à 9h du matin, cap au 230°, vers le sud, donc les orages… Ce sera la journée bateaux car vers 19H, on croise un chimiquier géant à 3 milles. On est désormais à 1000 milles de Mindelo en plein océan.
Mercredi 25 janvier
Ca fait 5 mois qu’on est partis de La Trinité-sur-Mer ! Les copains de Dremmwel, partis deux jours après nous de Mindelo, sont à 120 milles derrière (240 km). On s’envoie des textos par iridium. Il pleut, il y a de la houle, le bateau est bruyant et le mousse fatigué (bref, quelquefois, y en a marre, on a envie d'être tranquille, mais comment s'évader ?) Le capitaine, lui, est fout de joie, il vient de cocher une espèce de pétrel : celui de Bullwell. Première coche de la transat !
Jeudi 26 janvier
Première route de collision avec un cargo géant à 6H du matin !!! Heureusement qu’il y a tout l’Atlantique pour manœuvrer, mais c’est quand même pas de chance d’avoir à se dérouter (bien sûr, c’est le mousse qui est de quart) !
9 jours, 7 heures, 1088 MN, on est à la moitié de la transat au point de midi. Et pour fêter ça, notre poulpe maison pêche une dorade géante : 90 cm, notre plus belle prise ! On la dévore grillée avec du taboulé à midi et au lait de coco avec des patates douces le soir, délicieux ! Bravo le poulpe !
Vendredi 27 janvier
Le régulateur d’allure fait des siennes pour la première fois depuis le début de la transat, on s’inquiète, on ausculte la bête (car sans cet infatigable équipier, la traversée serait beaucoup plus physique), et finalement on découvre qu’un trop-plein d’algues, accroché à la pale freine notre vaillant Mortimer. Ouf !
Le vent tombe, on essaie de tangonner le génois pour rester sur notre route. Dans la manœuvre, on perd le beau chapeau capverdien d’Erwan, arraché par une écoute sournoise… Sinon, il fait grand bleu et on peut profiter de la plateforme pour tremper ses petons dans l'océan idéalement tempéré à 25 degrés, le pied !
Eole, comme toutes les nuits, monte en puissance (plus de 20 nœuds), on affale le génois tangonné et on fonce sous à 6 nœuds avec un ris dans la GV et génois roulé, mais on tape dans la houle et à l’intérieur du bateau, c’est à nouveau un remix des tambours du Bronx.
Samedi 28 janvier
Premier jour où le mousse se lance dans la fabrication de pancakes : « meilleur petit déj de la transat » selon le capitaine. Ca fait du bien après la nuit venteuse, houleuse et casse-oreilles (je parle des pancakes, pas du compliment, quoique…)
On hisse la trinquette magique pour empêcher le génois de battre et le bateau glisse sur son bouchain (presque) sans bruit. Joie !
Erwan, lui, a réussi son premier point astro. Si on tombe en panne d’électronique, on pourra toujours se diriger aux étoiles, trop chouette !
Dimanche 29 janvier
Superbe lever de soleil. Houle et vent fort avec des pointes à plus de 28 nœuds ! Toujours sous trinquette, Le Ruzé surfe sur les vagues à 7-8 nœuds, sensations garanties ! Nouvel atelier poulpe pour le skipper car le dernier ne séduit plus les poissons après son premier (et dernier) exploit. Les batocopains de Dremmwel sont à 100 MN derrière nous. On se donne rdv par téléphone satellite pour le lendemain, histoire de voir si on ne peut pas se croiser à quelques milles dans l’océan. C’est la fin du frais, il ne reste que 4 oranges, quelques pommes et un gros melon d’eau. On entre dans un système de grains avec des averses et surtout des soufflantes à plus de 30 nœuds, mais Le Ruzé les encaisse avec sa maestria habituelle. Plus que 700 milles avant les Antilles !