Mindelo (Sao Vicente - Cap-Vert) – Prickly bay (Grenade-Antilles)
Distance parcourue : 2486 milles nautiques (4614 km)
Durée de la transat : 19 jours
Vitesse moyenne : 5,5 nœuds
Le plus difficile dans la transat, c’est le départ ! Surtout quand les batocopains s’en mêlent. A Mindelo, nous avions retrouvé l’équipage de Dremmwel en grande forme et celui de Mintaka, le cœur un peu gros, car pour eux l’aventure s’arrête dans les îles africaines. Leur joli voilier n'était pas vraiment conçu pour une traversée dans les alizés et ils ont pris une sage décision en choisissant de mettre un terme (provisoire ?) à leur voyage. Mais avant de nous dire au revoir, Justine et Gildas nous ont fait un beau cadeau en nous invitant à déguster sur leur bord, en compagnie des Dremmwel un plat de lasagnes absolument délicieux. C’est donc l’estomac content (chose indispensable avant d'attaquer une grande traversée) que nous avons largué les amarres sous les guirlandes et les flonflons enthousiastes du Dremmwel-Mintaka's band.
Lundi 16 janvier : 14h30 UTC : On s’élance en compagnie de cinq autres voiliers dans le bras de mer qui sépare Sao Vicente de Sao Antao, sous le soleil d’abord, puis dans la grisaille par un vent de nord-est d’environ 5 Beaufort. Avec les îles de chaque côté, ne se sent pas encore vraiment partis pour le grand large. A la VHF, on reste en contact avec Marc, le skipper de Here Moana, dont nous avions fait la connaissance lors d'une soirée dans les bars de Mindelo. Ce chirurgien belge, parti en solo pour la transat, a finalement embarqué un couple de jeunes équipiers pour rejoindre la Martinique… On croise également la route d'un pétrolier Stenta Penguin, que nous avions vu mouillé à Mindelo, en route pour Houston (Texas).
Mardi 17 janvier : Le Ruzé file à 6 nœuds sous grand-voile et génois. Au matin, on découvre un calamar mort échoué sur le pont. Ca donne des idées… On met notre poulpe magique à l’eau et bingo ! A 15h17 (oui, oui, c’est précis !), on pêche la première coryphène de la transat. Joie ! Même s’il reste du poulet basquaise (plat fétiche du
Ruzé pour toute traversée), c’est de bon augure pour les trois semaines à venir…
Mercredi 18 janvier
Here Moana à 4 MN derrière nous à 2h du matin. Petit bavardage nocturne avec Marc. Tout va bien à bord, ses équipiers dorment, rassurés, grâce à nos petites conversations. Apparemment, ils n’étaient pas sûrs à 100% que leur skipper ait bien pris la route des Antilles !!! Pendant le quart de nuit du mousse, un bateau surgit sur l’écran radar, puis à l’AIS, mais pas de feux visibles dans la houle. Dans l’aube naissante apparaît un grand voilier sous spi tout près de nous…
On entend Marc à la VHF qui l'interpelle pour qu'il passe près de lui afin de le photographier. Discorever nous trace à 12 nœuds avant de disparaître à l'horizon.Ce sera notre dernier voilier en visuel avant la fin de la transat où nous retrouverons Dremmwel.
Le skipper va se coucher et Erwan, dès le jour levé, s’empresse de remettre à l’eau notre poulpe magique et hop ! re-bingo ! 2e coryphène, de belle taille celle-là ! Il y a du vent (20 nœuds) et de la houle, les seuls animaux que l’on croise sont les poissons volants et les océanites.
Nuit du 18 au 19 janvier
Première tuile de la transat. La charge des batteries diminue, malgré le vent et le soleil. On coupe le radar, mais l’éolienne ne réussit pas à étaler la baisse d’énergie. On se résout à démarrer le moteur à 3H du matin et biiiiiiiippppp !!!! l’alarme se déclenche ! On est en surchauffe. L’un des robinets s’était desserré et le liquide de refroidissement s’était fait la malle au fond du bateau, grrrrr !!!!
Dernier appel VHF avec Here Moana qui nous distance à la vitesse de 8-9 nœuds : ils ont pêché un thon de 15 kg !!! qu’ils ont tué en lui versant du rhum dans les ouïes. On espère qu’ils savent se débrouiller pour faire des conserves !
L’équipage commence à prendre le rythme des quarts : 20h-00H pour le mousse ; 23h-3H pour Erwan ; 2H-6H pour le skipper ; 5h-9h pour le mousse ; 8h-12h pour Erwan ; 11H-15h pour le skipper ; 15H-17h pour le mousse ; 17H-19H pour Erwan ; 19h-21H pour le skipper. Comme on a décidé de se caler sur l’heure UTC, on voit désormais la course du soleil se décaler au fur et à mesure de notre avancée vers l’ouest.
Jeudi 19 janvier
Premier paille-en-queue (ou phaëton) aperçu volant à l’aube au dessus du Ruzé, puis une petite tortue nageant non loin du bateau, ça sent bon les tropiques !
On empanne pour la 1ere fois depuis le départ de Mindelo, on file désormais bâbord amure, des paquets d’algues dérivent dans la houle.
Vendredi 20 janvier
Jour de deuil avec la perte de notre poulpe magique qui nous avait rapporté tant de coryphènes ! Il est tombé glorieusement au combat après avoir ferré notre 4e (énorme) coryphène qui l’a entraîné avec elle au fond de l’océan, snif ! Après avoir essuyé quelques larmes, l’équipage se reprend : on décide de fabriquer un nouveau poulpe avec les guirlandes de Noël ! Ca tombe bien, il pleut, alors autant faire des travaux manuels à l’intérieur…
Côté route, on a atteint le 15e degré nord (on vise le 12e alors il y a encore de la marge).
Samedi 21 janvier
La pluie, toujours, qui lave (enfin) le sable de l’harmattan qui a rougi les voiles et les bouts. Le temps est lourd, chaud, moite… On met la ligne à l’eau avec le nouveau poulpe fabriqué maison et hop ! Nouvelle dorade, tellement énorme… qu’elle s’est décrochée ! Commentaire du mousse : « Il pêche et en plus, il attire les grosses » (titre !). On est fiers de notre nouvel appât.
2e empannage depuis le début de la traversée, on se retrouve sur l’autre bord et c’est bien plus confortable pour faire la cuisine !
Le skipper et l’équipier se livrent ensuite à un numéro de cirque sous le prétexte fallacieux d’aller resserrer les écrous d’une des pièces du régulateur d’allure (au fait, Mortimer barre sans se fatiguer depuis le départ de Mindelo, alleluia !). Ils se contorsionnent à qui mieux mieux au cul du bateau, les pieds direct dans le grand bleu. Sous la quille, par 6340 m de fond, la plaine abyssale de Gambie !
Dimanche 22 janvier
Trois phaëtons curieux viennent voler autour du Ruzé et nous emm… un peu car ils visent notre ligne de pêche. On a enfin des news des copains de Dremmwel sur l’iridium, mais leur message est confus : sont-ils partis depuis 48 H de Mindelo, nous suivent-ils depuis 48 H ? Mystère ! leur position aussi nous paraît fantaisiste… Bon, la communication en mer, c’est pas gagné !
Grand bleu, grand soleil, premier jour de nav en maillot et douche pour tout le monde ce dimanche (faut faire gaffe quand les hublots sont ouverts, tonnerre de Brest !) Cerise sur le gâteau, on pêche une carangue (avec un crabe dans le ventre)… sauf que c’est un poisson côtier. Qu’est-ce qu’elle fout là en plein atlantique à plus de 700 milles de la première côte ? En tout cas, elle est délicieuse, rôtie au four avec de l’huile et du citron, accompagnée de patates douces, miam !La nuit, nous croiserons notre premier bateau depuis qu’on est en plein océan, un pétrolier, Xantus, en route vers Lomé.
Commentaires
Bravo, les marins pour cette belle traversée !
Suis rentrée à Paris depuis une petite semaine.
On a fait sensiblement le même nombre de miles que vous des Canaries jusqu'au nord du Brésil (2440NM).
Côté pêche, ce fut portion congrue : une coryphène et une bonite. N'empêche, darnes et sashimis au menu restent à noter dans les très bons moments ! Barrer en slip et petite veste dans le Pot au Noir avec éclairs, orages et trombes d'eau bien tièdes fût bien sympa aussi. Moment émouvant parce que symbolique : le passage de l'Équateur au champagne à une heure du matin (TU). Changement de décor dans deux semaines avec une petite navigation en Manche.
Portez-vous bien et bonne continuation !
Au fait , après la Grenade, vous visez quel endroit ? Bises.
Anaïs
Coucou Anaïs,
Eh bien, après la chaleur du Brésil, ce doit être un peu rude février à Paris, sans parler de l'île de Wight dans la foulée, mais j'ai l'impression que tu aimes bien les contrastes... Bravo à toi aussi pour la transat avec ton épaule en vrac, c'est courageux ! Barrer en maillot de bain sous la pluie tiède, c'est pas mal, ça a dû te changer de la transat retour… Et le passage de la ligne, ça reste mythique. Le Ruzé, lui, est descendu au plus bas 12° Nord. Après Grenade, on remonte tranquillement d'île en île jusqu'à la Martinique, prochaine étape : Cariacou en fin de semaine. Bisous.
ça y est vous l'avez faite !!! c'est épatant, bravo les pirates !
big bisous
Coucou Sabrina, merci pour ton petit message, oui on est bien contents d'avoir franchi l'océan et en même temps, depuis une semaine qu'on est aux Antilles, ça nous paraît déjà très loin !!!! On repart pour Cariacou demain dimanche… Il me semble que tu y étais allée lors de ton voyage dans les Grenadines ? Bisous et à bientôt par mail.
Non on n'est pas allés à Cariacou mais jusquà Union, Mayreau et les magnifiques Tobago Cays. Puis Béquia, Saint Vincent, Sainte Lucie. Comme tu sais, on a eu droit à Mustique, heureusement très rapidement, que des très riches et des Mick Jagger (pas content de voir des gens) A éviter donc ;)
Vous êtes où ? Tout va bien ?
Bien le bonjour à Cariacou! On y était en 2012, et on a adoré - toute la Grenade d'ailleurs. Les gens sont adorables.
Profitez bien et bravo pour la traversée
Gros bisous
Nous n'y manquerons pas ! Départ demain matin… Oui, les gens sont plutôt sympas à Grenade (hormis à la marina, mais c'est une marina de riches US et Canadiens, ceci expliquant peut-être cela), moins chaleureux qu'au Cap-Vert, mais serviables, toujours prêts à renseigner les touristes que nous sommes sur les us et coutumes de leur petit pays… Et aujourd'hui c'est le Nouvel An chinois, grosse animation en ville pour l'année du Coq. Xin nian kuai le !