Le séjour à Grenade, juste après la transat, a surtout été riche en « corvées » : lessive, eau, avitaillement, petites réparations (sans parler des retrouvailles alcoolisées avec les batocopains Dremmwel et Essentiel). Mais, après la sécheresse du Cap-Vert et trois semaines sans autre brin d’herbe que les algues dérivant dans le Grand Bleu, l’équipage avait une terrible soif de verdure et pas seulement dans l'assiette…
En route donc Grand Etang’s Lake, une réserve naturelle au cœur de l’île. En « aluguer* » bien sûr, Collés-serrés-musique-à-fond dans les virages vertigineux jusqu’à l’entrée du parc naturel. Le panneau, à l’entrée, nous promet singes, boas, tatous et autres bêbêtes dans la forêt d’émeraude qui surplombe le lac de cratère de Grand Etang.
Déception en arrivant au bord du lac en question, aménagé de façon artificielle avec tilapias d’importation qui guettent les morceaux de pain des touristes. Sur les rives, trois pagodes, cadeaux de la République populaire de Chine, accueille les cars de gamins des écoles venus pique-niquer avec leurs instits. Alors, elle est où, la jungle sauvage ?
*depuis le Cap-Vert, tout taxi collectif est resté pour nous un « aluguer »
Derrière les pagodes, un chemin de rando, le long du lac. De chaque côté du sentier, fougères arborescentes, balisiers, et autres arbres tropicaux truffés de colibris survoltés, ça commence à être pas mal ! Sauf qu'il pleut sans cesse sur les sommets (on est à 800 m environ), tout glisse et gadouille, et comme on est super équipés (chaussures de bateau et sandales), on patauge allègrement jusqu’aux chevilles.
Ca commence à grimper dur (et donc à glisser sérieux dans la boue) jusqu’à un promontoire où, enfin, on peut contempler le Grand Etang qui dessine parfaitement l’ancien cratère du volcan. On profite du panorama pour grignoter notre petit pique-nique garni de quelques amuse-gueules : chaussons frits au bœuf, brioche à la tomate, bananes, chocolat de Grenade…
C’est donc bien lestés que nous nous enfonçons dans la forêt vers les « Concord Falls », les chutes d’eau à quelques kilomètres en contrebas comme l’indique un écriteau en bois. Petite photo d’une superbe orchidée et hop, c’est parti… pour 4 heures de denivelé à travers les branches et les racines, car pour le sentier, maintenant, c’est tintin !
Car si chemin il y a, cela fait belle lurette qu’il n’a pas été emprunté, encore moins entretenu par les rangers! C’est donc au bâton puis au gourdin que le capitaine nous déblaie le terrain (on regrette furieusement de n’avoir pas acheté de machette à St-Georges !).
Nous finissons par comprendre que les rideaux d’arbres et de lianes serrés qui se trouvent devant nous sont « le chemin » et que de chaque côté de cette crête obstruée, c’est le ravin ! S’ensuit une progression assez cocasse où nous « skions » dans la boue agrippée aux branches de balisier (dont nous ne tarirons jamais assez d’éloges sur leur résistance) avant de s’éclater les bras ou la face dans les troncs de bambous en contrebas Soudain, des craquements, puis de drôles d’aboiements furieux : les singes ! On est super heureux de les entendre si proches mais impossible de voir quoi que ce soit dans ce « sous-bois » obscur. De toute façon on n’a d’yeux que pour les 50 cm plus bas où l’on tente de poser le pied, chaque pas pouvant déclencher une chute potentielle. Ce qui n'empêche pas les Indiana Jones de service de s'en griller une !
Heureusement, de temps en temps, un ruban rose déchiré accroché à une branche nous rappelle que nous sommes bien sur le chemin prévu pour les Concord Falls. Les bambous commencent à se faire moins serrés, un coin de ciel bleu apparaît entre les fougères, quelques superbes fleurs roses commencent à déployer leur corolle et bientôt on entend le grondement de l’eau en contrebas.
C’est couvert de boue et de griffures que nous arrivons au lit de la rivière où le capitaine s’empresse de se jeter à l’eau. Hélas, la cascade, c’est aussi le royaume des moustiques, en quelques minutes, ils se jettent sur nos chevilles pour nous dévorer vigoureusement. Vite T-Shirt à manches longues et spray anti-moustiques « Extra-Fuerte » acheté à Santa-Cruz, ça brûle même à travers le T-Shirt ! Vive de DDT ! Mais au moins ça repousse les ardeurs des insectes affamés.
Certes, on a trouvé les chutes mais on ne sait toujours pas où on est et le soleil commence à décliner. Les garçons veulent suivre la rivière, mais le mousse n'est pas chaud : d’abord, il y a les moustiques et certainement des serpents d’eau, oui, oui, j’ai bien vu un boa sur les photos du centre d’information… On finit par remonter, toujours en pataugeant dans la boue, dans une clairière, et retrouver un bout de ruban rose qui nous mène… en pleine campagne : partout, des fermes avec des chèvres barbues, des vaches, des poules, des plantations de bananiers et surtout de cacaoyers…
… et on finit par tomber sur la route qui mène à St-Georges, retour en « aluguer », collés-serrés-musique-à-fond, etc. On aura marché six heures, une bonne remise en jambes après trois semaines sans crapahuter !