Sines (Portugal) - Quinta do Lorde (Madère) : 535 MN
1595 MN depuis La Trinité sur Mer
Le 6 novembre, alors que les coureurs du Vendée Globe s'élancent pour le tour du monde au départ des Sables d'Olonne, Le Ruzé, lui, quitte tranquillement le port de Sines, direction Madère. Première grande traversée pour le bateau et l'équipage : 500 milles (1000 km) sans escale à travers l'Atlantique. Les fichiers météo nous promettent 20 noeuds de vent portant pour la semaine à venir et les paris vont bon train sur le jour et l'heure d'arrivée. Attention, l'heure est grave : la bouteille de champagne est en jeu !Le skipper parie sur jeudi 6H, l'équipière jeudi 9H et le mousse sur jeudi 17H.
Dimanche 6/11
Les amarres sont larguées sous le soleil et le départ fêté au large du cap Saint-Vincent par une bande de dauphins de cirque. Un petit bord de spi pour se dégager le temps que le vent s'établisse, puis c'est le début du rail et du jeu du "qui va passer quand et où" avec les cargos et les chimiquiers (merci le radar et le compas de relèvement). Le vent, lui, tient ses promesses et la nuit s'avère plutôt sportive. Le Ruzé file à 6 noeuds dans un fracas qui empêche l'équipage de dormir. A bord, tout craque, roule et glingue. Impossible de fermer l'oeil !
Lundi 7/11
Le lendemain, le vent monte sous les grains avec des rafales à 35 noeuds. Mais Le Ruzé se comporte impeccablement avec deux ris dans sa GV, génois roulé et trinquette. Le capitaine et l'équipière sont aux anges (ils vont gagner leur bouteille de champ) le mousse, lui, est un peu plus ronchon, il n'a pas dormi et reste impressionné par les rafales. La nuit est encore plus sportive que la précédente, mais cette fois, bruit ou pas, tout le monde pionce pendant ses heures hors quart.
Mardi 8/11
Le vent mollit. On enlève un ris, puis deux. On affale la trinquette. De 20 noeuds rafales à 30, on est passé à du petit temps 10-12 noeuds. C'est le moment de lâcher la barre et de tester le pilote automatique. Et yes ! Il barre sous voiles. On peut enfin cuisiner, bouquiner, on se demande qui a gagné les élections aux Etats-Unis… (Mais la bouteille de champagne s'éloigne pour les parieurs audacieux). A midi, spis à l'horizon ! Le Vendée Globe ! Hélas, l'équipière a été victime d'un mirage, ce n'était que le château rouge et blanc d'un cargo. La nuit, elle, sera magique, pleine d'étoiles filantes, avec un magnifique coucher de lune, énorme tranche de pastèque rouge dégoulinant sur l'horizon.
Mercredi 9/11
Au lever du jour, le vent tombe. Même le spi ne pourra pas nous tirer d'affaire. Alors qu'on se résigne à démarrer le moteur dans une mer d'huile, voilà qu'une vague éclate à bâbord. Une vague ? Non, une baleine ! A quelques mètres du Ruzé ! Elle passe devant, peinarde, sans se presser, et nous on se précipite pour la prendre en photos. Un dernier plongeon, sa queue en V nous fait un petit signe d'adieu très classieux, avant de disparaître dans le grand bleu.
On reprend notre route et une heure après, deuxième joie ! Nous croisons une jolie tortue luth qui nage dans le sens inverse. "Salut tortue !" crie le capitaine et hop ! l'animal relève la tête. Si, si ! Côté voile, on fait des essais de génois tangonné, mais le vent est vraiment trop faible, alors… on remet le spi et on le garde une bonne partie de la nuit. Peut-être nos hermines ont-elles impressionné l'un des deux voiliers que nous croisons dans la pénombre, à en croire les nombreux signaux lumineux que l'un d'eux nous a envoyés avec sa frontale en passant près du Ruzé.
Jeudi 10/11
6h30. Une silhouette apparaît sur tribord dans l'aube naissante. C'est l'île de Porto Santo… que nous prenons d'abord pour Madère, car les guides nous la décrivaient très basse et ce sont des pics acérés qui se découpent sur l'horizon.
Le Ruzé la longe, mais refuse d'abattre dans sa direction. Tel un cabot rétif, il pointe obstinément son nez vers… les Canaries ! Non, non, Ruzé, tu attendras un peu pour aller à Tenerife ! Vers midi, on lui force un peu la main avec M. Yanmar et bientôt, derrière Porto Santo, se profile couronnée de nuages la masse sombre de Madère. Sur bâbord, les Iles Désertes, hautes et crénelées.
Et le plus beau sera pour la fin : Les sommets de Madère se révélant enfin dans toute leur majesté, magnifiés par un soleil couchant fouetté par les grains, la mer soudain agitée à la remontée des fonds resplendissant d'une pluie dorée… L'équipage bouche bée devant la beauté du spectacle de cet orage au-dessus du volcan. A 20H, bien amarrés à Quinta do Lorde, on a débouché le champagne, tant pis pour les paris !
Les chiffres de la traversée :
535 MN
4 jours et 11h
Vitesse moyenne : 5 noeuds
Commentaires
Salut les pirates, bravo pour cette belle traversée ! ça y est l'aventure a bien commencé, héhé. Merci pour le récit, l'arrivée à madère la désirée dans cette lumière a dû être magique. C'est chouette de voir vos bonnes mines réjouies. On attend l'album photos de Madère ! Bons baisers des Pyrénées (pour une semaine encore), Sabrina
je vous embrasse et voyage avec vous ...