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Voir l'invisible

Ca faisait longtemps que l'on avait envie d'évoquer l'oeuvre de Chamoiseau, comptant sur le prétexte d'une petite balade dans le quartier de Texaco pour la nourrir de quelques photos, mais le temps passant vite à l'autre bout de l'île… Pour l'équipage du Ruzé, le plus beau livre de Patrick Chamoiseau, son chef-d'oeuvre des dernières années, est sans conteste "Biblique des derniers gestes"*. Un roman-fleuve à couper le souffle (c'est le cas de le dire puisqu'il relate, à l'imitation du "Tandis que j'agonise de Faulkner", les derniers jours d'une veillée funèbre), mais surtout un livre épique, poétique, aux multiples ramifications telles une "mangrove de l'imaginaire". 

*paru en2002

 

Comme dans tous ces romans, Chamoiseau tente de rendre visible l'invisible (entreprise vitale dans cette île où le seul patrimoine visible est l'héritage colonial), mais au-delà de l'histoire de La Martinique et des luttes d'émancipation, celui-ci est une sorte de livre-monde, de méditation esthétique qui nous fait pénétrer dans un univers parallèle d'une manière quasi-hallucinatoire. Nuits blanches garanties !

Reproduction du texte de la 4e de couverture ("Blanche" Gallimard)

"Jadis, au-delà de l'aurore et du crépuscule, les bois symbolisaient la demeure de la divinité, et ainsi de la Martinique. Mais les dieux sont partis laissant derrière eux, dans l'obscurité des siècles, des esprits qui enflamment toujours les racines des forêts, tandis que le temps poursuit sa route. Balthazar Bodule-Jules était né, disait-il, il y a de cela quinze milliards d'années - et néanmoins, en toutes époques, en toutes terres dominées et sous toutes oppressions. Alors que, désenchanté, il décide de mourir, il se souvient tout à coup des sept cent vingt-sept femmes qu'il avait tant aimées... Ces créatures mémorielles le ramènent au long cours de sa vie sur les rives de la Terre, parmi le fracas de ses guerres auprès du Che en Bolivie, de Hô Chi Minh au Vietnam, de Lumumba au Congo, de Frantz Fanon en Algérie... Dans ce vrac de mémoire, le vieux rebelle découvre la dimension initiatique de son enfance soumise à la grandiose autorité d'une femme des bois, Man L'Oubliée, seule capable de s'opposer aux damnations de la diablesse. Il prend la mesure des enseignements d'une ardente communiste que l'on croit être un homme; puis il élucide enfin l'étrange douceur de celle qui lui paraissait la plus fragile de toutes : la céleste Sarah-Anaïs-Alicia... Le narrateur (Marqueur de paroles et en final Guerrier) s'identifie insensiblement à ce rebelle qui l'emplit d'une connaissance littéraire des temps anciens et des temps à venir. Car, au terme d'une vie dont il ne pensait retenir que l'échec, l'agonisant accède à une autre conscience : à ce deuxième monde qu'il avait cru longtemps inatteignable, cet amour-grand seul capable de relier les contraires..."

 

 

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