Dans la mangrove sous la pluie

La saison des pluies – l’hivernage comme on dit aux Antilles – est un peu en avance cette année. C’est donc sous une belle averse que nous avons pris la pétrolettte, Dinah et moi, pour le bourg des Trois-Ilets de l’autre côté de la baie de Fort-de-France. But de la promenade : le circuit de la forêt Vatable qui permet de visiter la mangrove de Genipa sur des caillebottis, l’idéal pour se balader sans (trop) se mouiller les pieds.

 

Après une traversée humide du charmant bourg des Trois-Ilets, on longe la D7, bruyante et très circulée jusqu’à tomber sur l’entrée du sentier littoral qui descend vers le rivage, donc vers la mangrove.

Celle-ci ne couvre plus que 6% des zones boisées de la Martinique, mais ses plus grandes surfaces se trouvent justement au fond de la baie de Fort-de-France, à Génipa.

On n’est pas en Guyane et elle reste ici, en bordure de zones urbanisées, très « domestiquée » , mais ça n’empêche pas de s’émerveiller devant l’enchevêtrement des racines de palétuviers qui abritent toute une faune plus ou moins visible, et notamment les fameux crabes qui font le régal des tables de Pâques. Il y a les mantous, reconnaissables au dessin en forme de « H » qui orne leur carapace (de grisâtre au violet en passant par l’orangé) et à leurs pattes velues. Avis aux insomniaques, leur chair a la réputation d’être soporifique, alors une bonne soupe de mantou avant d’aller au lit… 
Ils partagent la vase de la mangrove avec les « Cémafaute », ainsi nommés en raison de leur pince hypertrophiée, et les crabes de terre à la carapace de couleur variable. Dans la mangrove de Genipa, ils arborent souvent une teinte du plus beau bleu.

Si on est attentif, on peut également apercevoir les minuscules crabes de palétuviers. Gris ou noirs, ils ne dépassent pas les 2 cm, mais sont extrêmement véloces. Au bout du sentier, on entre dans la forêt sèche (enfin, bien humide ce jour-là) où l’on a construit un petit théâtre de verdure d’où l’on a une vue panoramique sur l’ensemble de la baie.

Entre-temps, la pluie a perdu un peu de sa vigueur, mais le sentier reste boueux, on félicite donc les aménageurs du sentier de randonnée d’avoir prévu des planchers pour traverser la zone humide. Après avoir contourné la pointe, le sentier débouche sur la Maison de la Canne, mais manque de pot, ce jour-là, elle est fermée.

En revanche, tout près du musée, nous assistons à une scénette assez amusante qui pourrait s’intituler « Le Garde-Bœuf et la Mangouste » où M. Garde-Bœuf, tout occupé à prélever des insectes pour son déjeuner, se voit évincer de son terrain de chasse par une mangouste jalouse de son bord de mare. Pour l’intimider, elle n’hésite pas à se dresser de toute sa petite taille sur ses pattes de derrière. L’échassier, prudent, s’éloigne sans demander son reste.

On s’en retourne en longeant le rivage et sous le soleil retrouvé les colibris sont à nouveau des dizaines à vibrionner dans le cœur des fleurs à chaque coin de jardin. On croise aussi, avant de reprendre notre chère pétrolette, des bateaux de pêche à la fibre révolutionnaire. Qui aurait cru que Che Guevara faisait encore des adeptes ?